Le Miel et l'Amertume

Tahar Ben Jelloun

Au cœur de Tanger la Blanche, la maison de Mourad et Malika est coquette. Mais le couple vit terré au sous-sol de la demeure. Seuls leurs enfants, parfois, leur rendent une brève visite. Le couple est hanté par un drame, survenu au début des années 2000, sur lequel un silence de mort s'est abattu. Samia, leur fille, s'épanche dans son journal intime ; si ses amies, l'école, la musique et la poésie trouvent leur place entre les lignes, elle évoque aussi une rencontre fatidique. Le Khenzir (« cochon », en arabe) et Samia avaient fait connaissance à travers la poésie : l'homme dirigeait une revue et avait proposé à la jeune fille de la publier. Il l'avait invitée, et l'avait violée... Submergée de honte, enfermée en elle-même, profondément traumatisée, Samia s'est suicidée. Malika et Mourad ont éprouvé un incommensurable chagrin, une douleur aiguë. Mais surtout, ils ont été accablés par le déshonneur... A travers le portrait fouillé d'une famille tangéroise, Tahar Ben Jelloun nous fait pénétrer dans un Maroc à la fois attachant, oppressant, tout en contrastes. Lire la suite

272 pages | Couverture brochée en couleurs | Format: 205x140

EXTRAIT
Nous sommes enterrés sous cette maison qui, vue de l'extérieur, renvoie pourtant l'image d'une belle réussite. La maison nous écrase. La maison nous nargue. La maison nous tue lentement. Elle a été la scène de notre bonheur bref et de notre malheur permanent. Ma femme en parle comme si c'était une vieille dame méchante qui nous en voulait. Elle dit : « Cette baraque finira par avoir notre peau ; elle s'acharne sur nous ; c'est le démon qui l'habite... » Un jour nous avons trouvé des briques dans le petit jardin. Ma femme s'est écriée : « La maison nous parle, elle nous envoie des messages. Qu'est-ce qu'elle nous veut encore ? » (...)
La nuit venue, la maison se repose. Les murs ne tremblent plus. Le plafond ne bouge plus. Mais elle nous possède comme un esprit s'empare de vous. Ma femme a accroché dans toutes les chambres des bidules porte-bonheur. Elle verse dans les coins du lait de vache frais et brûle des encens apportés du sud du pays. Tout ça pour repousser le mauvais œil et le malheur.

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